Un petit slam pour parler de plume, de langue et d’idéologie de façon poétique et ludique. Que se cache-t-il derrière le masculin générique ou la règle du masculin qui l’emporte ? Est-ce que notre langue est vraiment neutre ? Quelles répercussions dans nos perceptions ?

On y casse sa plume, on y laisse des plumes.
On se fait plumer, déplumer par sa propre langue.

Si aujourd’hui, les femmes1 écrivent sans se faire passer pour hommes,
On continue à penser le masculin comme le grand maître du langage.

Alors j’aimerais prêter ma voix à cette violence sourde,
Inaudible, pourtant indélébile.

« Le génie de la langue française, c’est son masculin générique. » 
Le masculin vaut neutre, paraît-il.
Remarque, autant que le droit de vote universel avant 1940 ou plutôt 1969.
Universel même si la moitié de la population en était dépourvue.
Universel même si les peuples autochtones en étaient exclus.

D’ailleurs génie de la langue ou de l’Académie,
Qui rappelons-le, encore aujourd’hui,
Reste composée d’une écrasante majorité d’hommes.
Génie ou entourloupe ?

Qu’on le veuille ou non le masculin générique génère
Plus de représentations masculines que féminines ou non binaires.
Et à bien des égards, cela conduit à des dégénérescences.
Ça dégénère le sens, trouble les esprits.

Et ce que l’on ne nous enseigne pas.
Ce que l’on taire, ce que l’on enterre.
“Le masculin qui l’emporte” n’est pas le fruit du hasard,
Une petite règle de grammaire banale.
Tombée sur le mâle, tirée à pile ou face,
Face cachée de la suprématie masculine,
Volte face de la misogynie !

« C’est le péril mortel pour la langue de Molière » s’insurgent les Immortels.
C’est ironique quand on sait que la langue de Molière ne fait, en fait,
Pas référence à la langue réellement parlée par Jean-Baptiste Poquelin.

D’ailleurs, une langue vivante n’est-elle pas vouée à évoluer ?
C’est ce qui en fait la beauté.
Elle n’est pas figée, sinon c’est qu’elle est morte.
Et qu’à cela ne tienne : « la langue est morte… Vive la langue ! » 2

Pourquoi quand il s’agit de redonner ses lettres de noblesse au féminin,
Aux femmes et au passage d’y inclure les minorités de genre,
Cela semble si compliqué ?

Certains parlent de “négationnisme vertueux”3, “d’attentat contre la mémoire”4
ou de « totalitarisme égalitaire »5

D’autres d’« hystérie féministe »…
L’argument ultime de celles et ceux qui n’ont plus rien à dire.

Comment peut-on apposer négationnisme et vertueux ?
Avec toute sa (dé)charge historique.

Il ne s’agit pas de nier la langue, ni d’effacer son histoire.
Mais au contraire, de faire la lumière dessus.
Et de prendre une autre avenue !
Dénoncer la chasse aux sorcières,
Cette guerre infâme contre les femmes.
Marquer le sexisme au fer rouge.

Comment peut-on parler de négationnisme, quand ce sont précisément les femmes
Qui ont été niées durant toutes ces années ?

« Totalitarisme égalitaire » ou l’oxymore de trop.
Mais c’est vrai, pourquoi promouvoir l’égalité
Quand la phallocratie se charge d’imposer sa vérité ?

Et puis « Les vrais combats » sont ailleurs.

Les combats sont ailleurs et partout, à même la langue, les mots, les expressions.
Aucune lutte n’est un luxe. Chacune d’entre elles s’entremêlent.

La langue est à la fois poétique et politique, aussi intime qu’idéologique.
Née dans une logique sexiste, elle est juge et partie.
Les oppressions de genre, elle perpétue.

Enfin, « c’est illisible, c’est compliqué, cela porte atteinte à sa beauté. »
Qu’importe qu’elle ne fasse pas la part belle aux femmes, la langue est belle.
C’est ben beau être inclusive mais ça alourdit, ça nuit, ça encombre.

Qui se charge de désencombrer nos vies, notre vide ?
Les femmes encombrent… Vraiment ?
Les femmes sont déjà les grandes oubliées de l’histoire.
Doivent-elles rester les invisibles du présent ?

Comment faire de l’universel un univers pour celles
Que l’on a trop longtemps bafouées.
Pour toutes les personnes dont on continue de nier l’identité, l’entité.

Le français est riche et recèle de possibilités, de subtilités, d’inventivité.
Alors pourquoi ne pas mettre toute sa créativité au service de l’égalité ?

(Dé)lions nos langues, allions nos plumes pour déployer leur Elle ou leur Iel.
« La langue est morte, vive la langue ! » 2

 

1. Le terme « femmes » fait référence à toutes personnes s’identifiant comme femme, il en va de même pour le terme « homme ».
2. Emprunté à Jean Birnbaum
3. et 4 . Propos de Raphaël Enthoven, Le désir d’égalité n’excuse pas le façonnage des consciences.
5. Propos recueillis lors d’une formation.